Résumé
Plus de 70 ans après les faits, et grâce au "Rempart of the lies" (le rempart des mensonges) cher à Sir Winston Churchill, Premier ministre britannique, et toujours savamment entretenu par les services secrets de sa très gracieuse Majesté, les historiens, surtout les historiens français, n'ont pas encore mis le doigt sur l'énorme faute commise par Adolph Hitler et l'Oberkommando der Wehrmacht (O.K.W.), à la suite de mesures réclamées par le maréchal Erwin Rommel à la fin de l'année 1943. Le Feld-Maréchal du Reich, qui connaissait bien les faiblesses du Mur de l'Atlantique et sa dépendance du bon fonctionnement des centrales thermiques au charbon du Pas-de-Calais, avait déterminé que le débarquement principal des alliés devrait se faire, logiquement et selon les canons de la stratégie entre la baie de Somme et la baie de l'Authie ou plus simplement entre Boulogne et Abbeville.
C'est pourtant à partir de cette décision que les alliés ont pu alimenter le plan de tromperie de "FORTITUDE SOUTH" avec l'entier accord d'Eisenhower qui n'avait débarqué en Angleterre que le 15 janvier 1944, soit 13 jours après le retour du front italien du Maréchal Montgomery.
Mais grâce aux renseignements très précis collectés par le réseau Zéro France ZW, délivrés, par un noyau de cadres résistants de la SNCF qui s'était développé à partir du réseau Nord de la SNCF, renseignements transmis par l'intermédiaire d'Elizabeth S..., les alliés ont connu dès le début du mois de janvier 1944, et plus précisément dès le 5 janvier 1944, les concentrations de troupes d'élite allemandes déversées par des dizaines de trains spéciaux T.C.O. au Nord d'Abbeville, dans le cadre de l'opération désignée par le haut Commandement allemand, en l'occurrence Hitler, l'OKW, OB-WEST et le Feld maréchal Rommel sous le nom de "Kanalkueste".
Le rapport du Maréchal Montgomery au War Office |
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Arrivé à Londres le 2 janvier 1944, le maréchal Montgomery, qui a été installé très rapidement avec son état-major, a repris en main, avec le soutien de Winston Churchill, le dossier du projet de débarquement des alliés établi par le COSSAC en portant, avec l'accord d'Eisenhower et de son chef d'Etat-major, de cinq à huit le nombre de divisions alliés devant réaliser l'assaut en Normandie, ce qui portait, avec l'encadrement sur leurs flancs par 3 divisions et demi de parachutistes, à pas moins de 100.000 le nombre des soldats à débarquer le premier jour de "Neptune" sur les plages normandes. 100.000 hommes a minima débarqués en 24 heures, c'était le double des troupes d'élite et de réserve allemandes estimées disponibles, à condition de persuader les Allemands et Hitler que le débarquement principal des alliés aurait lieu sur la côte d'Opale ou dans le Pas-de-Calais et d'éviter ainsi que les troupes alliés n'affrontent les quelques 50.000 soldats d'élite concentrées pour l'heure sur le littoral picard à cheval sur les départements de la Somme et du Pas-de-Calais.(Or, on sait que les alliés ont réussi à faire débarquer dès l'assaut près de 150.000 hommes en raison de la reprise de la tempête prévue dès le soir du 6 juin 1944).
C'est dans ce contexte que le bombardement de la prison d'Amiens, est intervenu le 18 février 1944, en formant un volet essentiel important du plan de tromperie générale tel que l'a décrit Roger Hesketh dans son livre. Mais Roger Hesketh avait-il vraiment reçu le droit de tout écrire? On peut légitimement en douter dès lors que les concentrations de troupes d'élite allemandes, déplacées, pour certaines unités complètes depuis le front russe, avaient commencé huit jours avant que Dwight Eisenhower ne prenne son commandement à Londres...
Le bombardement de la prison d'Amiens,
le 18 février 1944, dont on peut lire un fidèle compte-rendu illustré dans les archives de la RAF, est un surprenant épisode de la sourde lutte et des manipulations que les services secrets alliés ont âprement mené contre les services secrets allemands (Gestapo et Abwehr).
Fait rare: le bilan dataillé dressé et contrôlé par le War office est strictement identique à celui publié par le "Progrès de la Somme". De là à penser que l'auteur du rapport habitait Amùiens, il n'y a qu'un pas...
En réalité, cette opération a mis fin à une longue suite d'échecs des réseaux du MI6 qui avaient été mis à mal dès 1942 (élimination du réseau interallié, réseau constitué notamment de résistants polonais et donc lié à l'Organisation
Monica), en 1943, avec celle du réseau SOE ARMAND (
le "special operation executive", est un service secret action créé dès 1940 par Churchill pour soulever, entraîner et financer des armées de patriotes dans les territoires occupés par les Allemands et les Japonais). Au début de 1944, il existait donc un réseau SOE par pays occupé, sauf en France où il en a été créé deux, dont un dépendant de Rémy à partir de 1943. Il importe d'en analyser le contexte de cette étrange opération pour bien comprendre l'objectif militaire poursuivi, qui a profondément marqué de son empreinte les années de la guerre froide.
L'opération "Renovate" est intervenue également après une véritable saignée des réseaux de résistance O.C.M. (Organisation Civile et Militaire) et de Libération Nord (arrestation de Jean Cavaillès) réalisée à partir du mois de novembre 1943, aussi bien au niveau de la région picarde qu'au niveau national suite à la trahison de Roland Farjon, utilisé comme "mouton" par la police allemande. L'un des correspondants essentiel des alliés, le chef de la gare d'Amiens, Germain Bleuet, sera arrêté le 8 mars 1944 et expédié à Arras. Il y sera fusillé clandestinement sans avoir parlé moins d'un mois plus tard avec plusieurs responsables de l'O.C.M. et Roger Cavaillès tous enterrés dans une fosse commune sans déclaration de décès à l'état civil. Il incombera à une certaine Elizabeth S..., ex-infirmière de l'armée britannique chargée de la transmission des messages de Gaston Bleuet de pourvoir à son remplacement et ce sera le second de Bleuet qui le remplacera.
Autre sujet d'étonnement: à la suite d'une visite effectuée le 22 décembre 1943 par le Feldmaréchal Rommel sur le Mur de l'Atlantique bordant la côte d'Opale, la Wehrmacht a soudainement déplacé à partir du 8 janvier 1944, et pour le seul mois de janvier, en appui du mur de l'Atlantique, dans l'arrière pays de la côte d'Opale, par 127 trains T.C.O., plusieurs unités d'élite, soit plus de 45.000 hommes dont au moins la moitié d'unités SS ayant l'expérience du front russe (une partie d'entre eux venant du camp d'Aarschot en Belgique).
Les premiers renseignements concernant ces mouvements de troupes, expédiés par un premier "courrier" en janvier 1944 aux alliés n'ont été reçus que cinq semaines plus tard par les services Anglais. Mais les messages d'alerte suivants du réseau Zéro France ZW transmis à partir du 4 janvier 1944 par Elizabeth S... et sont intervenus bien avant le lancement de l'ordre de bataille fictif du FUSAG daté du 3 février 1944 sous la référence SHAEF/18201/6/OPS (Fortitude, The D-Day deception campaign, de Roger Hesketh, édition "the Overlock Press Woodstock & New York", p. 89). Bref, l'O.K.W. et le Maréchal Rommel avaient avalé l'appât et l'hameçon de "Fortitude South" avant même qu'ils ne soient lancés. Et l'on sait qu'il y avait de sérieuses raisons à cela.
En effet à partir du 4 janvier 1944, qu'Elisabeth S..., qui résidait à Amiens au sein de la famille Fécan, a commencé à expédier les dépêches du réseau zéro France ZW (Résistants du réseau Nord de la SNCF) grâce au poste radio qu'"
Elisabeth" le chef du réseau Nord des
Sosies (Dominique Ponchardier) lui avait amené le 3 janvier 1944 (Un poste radio miniaturisé équipé de transistors qui tenait dans un simple sac à main et fonctionnant sur de simples piles du commerce). Si Elizabeth S... était capturée avec ses codes par l'Abwehr, les Allemands auraient réalisé que les déplacements de leurs troupes d'élite sur le littoral picard étaient connus des alliés et que le débarquement attendu aurait eu lieu ailleurs. L'Etat-major allié aurait été placé dans un cruel embarras. Mais reprenons le détail des évènements dans l'ordre.
Le contexte de l'opération Jericho (primitivement appelée "Renovate")
Principal artisan des échecs britanniques, le lieutenant colonel Oscar REILE, responsable de l'Abwehr pour la France puis pour la zone de l'Ouest (
couvrant la France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas) qui a décrit son œuvre dans un livre "l'Abwehr: le contre espionnage en France de 1935 à 1945" édité par les éditions France Empire et préfacé par Rémy. Oscar REILE a expliqué comment il avait quadrillé la France, et tout particulièrement la région du Nord de V-manners (
VM des agents manipulateurs spécialement recrutés - beaucoup seront des français, ou des belges tel le trop fameux Massuy, inventeur et théoricien du supplice de la baignoire) spécialement formés pour pénétrer par la confiance les réseaux ennemis en livrant des renseignements préparés à partir de documents authentiques. Il avait également installé avec le concours du gouvernement de Vichy des équipes de détection radio-goniométriques dans la zone non occupée, bien avant le 10 novembre 1942, qui a provoqué pendant la seule année 1943 à l'arrestation de plus de 1.500 résistants et la destruction de nombreux petits réseaux.
Pour bien comprendre la situation des Français, il faut au demeurant connaître l'état de la France en ce début d'année 1944, telle qu'elle résultait de l'armistice de 1940 qui a suivi
la Blitzkrieg menée par Hitler du 14 mai au 17 juin 1940 (voir aussi tableau ci-contre, ces directives sont extraites de l'ouvrage « Hitler - Directives de guerre » présentée par HR TREVOR-ROPER d'après Walter HUBATSCH -édition allemande de Hitlers Weisungen für die Kriegsführung 1939-1945, -éditeur Walter BECKERS, Kalmthout-Anvers. Il a lui même été traduit de l'édition anglaise, Hitler's War Directives Sidgwick and Jackson éditeurs par François PONTHIER ).
Sur une question posée par un internaute lecteur, il faut confirmer que cette époque a correspondu à une période difficile pour Hitler et la Wehrmacht qui avaient perdu beaucoup d'hommes en bataillant contre l'armée Rouge notamment à Stalingrad et contre les alliés, d'abord en Lybie (El Alamein), et en Tunisie, puis en Italie. Or, Hitler avait répondu à l'Opération "Torch" par l'occupation de la zone libre. Le régime nazi et Himmler, qui ne pouvaient plus aligner de policiers SS ont donc cherché à utiliser la police française comme police supplétive de la police allemande et de la Gestapo en étendant l'accord Oberg-Bousquet du mois d'août 1942, à la zone dite libre
par un second accord du mois d'août 1943. (cliquer sur le lien pour télécharger l'accord en fichier *.rtf).
Après la chute du réseau SOE "Prosper", implanté en Normandie et trahi ou détecté, œuvrant dans le Nord de la France pour les Anglais, celles de plusieurs centrales de la
Confrérie Notre-Dame dirigée par Rémy, et le démantèlement du réseau O.C.M. de la Somme, les réseaux anglais du Nord et de la Picardie ont été complètement réorganisés, à la fin de 1943 par le major Chalmers et, entre le 28 janvier et le 2 avril 1944, par le major CHALKLEY, ("Xavier") détaché en France par le MI6.
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«Lou» présent, le 13 mars 1944, au 105 chaussée Saint-Pierre à AMIENS,
« Xavier » pour le réseau «Monica»et
pour l'opération MONIKA,
et
Major CHALKLEY, pour l'armée britannique. |
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Au début de l'année 1944, un militaire anglais en uniforme sans signe distinctif a résidé quelques jours au 105, chaussée Saint-Pierre à AMIENS. On l'appelait LOU. Il ressemblait trait pour trait à la photo ci-contre qui date de la première guerre mondiale, mais vieilli de quelque 20 années de plus.
Si je me souviens de lui, c'est parce qu'il a joué avec moi pendant plus d'une heure, juste avant que toute la famille et lui-même ne se précipitent dans la cave en raison du bombardement massif des triages d'Amiens Longueau, ce qui permet de dater précisément son hébergement au domicile du Dr Robert FECAN, qui correspond au premier bombardement massif du triage de Longueau réalisé par le Bomber Command dans la nuit du 14 au 15 mars 1944.
Je me cramponnais à LOU qui m'avait descendu dans la cave alors que le sol tremblait et que l'rtillerie allemande ne parvenait pas à contrer les vagues de bombardiers lourds. (J'ouvre ici une parenthèse pour remarquer rétrospectivement qu'Elizabeth et LOU s'attendaient manifestement à un tel bombardement).
Passer des éclats de rire et de joie à l'effroi d'un bombardement faisant trembler le sol laisse des traces aussi bien dans le conscient que dans l'inconscient. Il est vraisemblable que le souvenir de ce bombardement soit à l'origine de ma recherche tendant à éviter par tout moyen qu'une telle situation se renouvelle en France, qui occupe une position stratégique occidentale clé pour le contrôle militaire de l'Europe. Le seul moyen efficace à mes yeux, admis dès 1958 par général de Gaulle au mois de mai 1956 était de doter la France de l'arme nucléaire.
Le lendemain 15 mars, le major CHALKLEY, alias LOU avait disparu. Et, il ne se précipita donc pas avec la famille lors du second bombardement la nuit suivante du même triage par le Bomber Command qui avait donc atteint tous ses objectifs cette nuit-là. Or, à cette même date, «Xavier», alias le major CHALKLEY, devait se déplacer depuis la région de Lille sur Paris pour arrêter définitivement les objectifs de l’opération « MONIKA » avec les chefs militaires et civils du réseau Monica, et il avait donc l’obligation de définir et de fixer avec Elizabeth les protocoles de communication radio et codes avec l’Angleterre (côté MI6) et avec l’état-major d’Eisenhower, chargé de la coordination du débarquement en Normandie.
Si l’opération de parachutage «MONIKA» n’a pu être menée à bien, c’est d’abord parce que le Major CHALKLEY a été interné en Espagne juste après avoir traversé le 2 avril 1944 la frontière, mais c’est également à cause de la destruction de Varsovie par les troupes nazies alors que l’Armée rouge restait l’arme au pied en attendant que les nazis nettoient la ville de toute résistance. A la même époque, la quasi totalité des parachutistes polonais entrainés pour l’opération «MONIKA » avait demandé à être larguée sur Varsovie. Churchill refusa et Elizabeth dut donc se résoudre à trouver des moyens de substitution, en mobilisant outre Monica, les ftp. Au su des communistes français!
Si on analyse les archives départementales du Nord et du Pas-de-Calais comme je l’ai fait, force est de constater que l’essentiel de l’opération « MONIKA » fut effectivement mené par le réseau Monica et par les FTP qui, s’ils ont agi séparément, n’ont pu être coordonnés que par ELIZABETH. Et cette opération a réussi au-delà de tous les objectifs qui lui avaient été assignés. Au point que l’essentiel de la logistique allemande devait passer soit par la Sarre, soit par le pont de Kiehl pour approvisionner, sous la menace des chasseurs bombardiers américains ou anglais en maraude, des troupes fraiches sur le front normand ou de diriger à pied ou à vélo les troupes de renfort de la XVème armée à travers le département de la Somme en ne se déplaçant que la nuit ! Les dernières troupes allemandes de renfort parvenues dans la capitale, la veille de la Libération de Paris avaient traversé la Somme en vélo. Sans aucun moyen logistique, et ce, alors que les troupes parisiennes ne disposaient plus que deux jours de vivre!
Le choix du major CHALKLEY, héros de la guerre 1914-1918, issu d’une famille catholique était particulièrement judicieux. Les communications du réseau Monica utilisaient volontiers le concours de prêtres catholiques résistants et donc celui du curé de la paroisse Saint-Pierre à Amiens. Le clergé résistant amiénois était donc bien informé du rôle d’ELIZABETH au même titre que Gaston BLEUET, le chef de la gare d’AMIENS-LONGUEAU.
On ne peut que valablement en conclure que, si, le 2 avril 1944, date à laquelle le major CHALKLEY était interné en Espagne avec la programme détaillé et les codes de communication arrêtés de concert avec Elyzabeth de l'opération MONIKA dissimulées dans une de ses chaussures, le capitaine FREY s’était emparé des protocoles de communication d’Elizabeth, l’Abwehr n’aurait eu aucun doute sur la préparation du débarquement en Normandie, et en tout état de cause ailleurs que sur les côtes au nord de la Somme. Le sort d’ELIZABETH eut alors été semblable à celui de «la Chatte » assortie contrainte de participer à un funkspiel radio faisant tomber les alliés, lors de leur débarquement en Normandie, dans un traquenard semblable au tragique débarquement des canadiens à Dieppe du 19 août 1942, vraisemblablement lié au funkspiel de l'agent de l'Abwehr, Hugo Bleicher.
Telles sont les raisons qui expliquent que le Dr Robert FECAN, emprisonné par le Comité de Libération d’Amiens à la citadelle pour faits de collaboration, en ait été libéré, le jour même et deux heures avant son exécution, par l’officier traitant d’Elizabeth, à la tête d’une unité blindée britannique, sur un ordre de mission délivré par le général Eisenhower, qui détenait depuis le 1er septembre 1944 le commandement des troupes alliées du front de l’Ouest. Mais dans la réalité, c’est bien Elizabeth, et elle seule, qui avait assumé la responsabilité opérationnelle de MONIKA et de coordination du plan Railways. Pour mourir isolée, atteinte d'un cancer et dans l'oubli! |
Ces informations montrent que les alliés, notamment à l’initiative de Winston Churchill, faisaient le maximum pour éviter de bombarder les sites sensibles dans les zones de peuplement denses.(information tirée des archives officielles du MI6). |
Entre-temps, Chobière, responsable des réseaux anglais dans la zone de guerre du Nord de la France et en particulier des liaisons radios, (Il œuvrait en parfaite intelligence avec Dominique PONCHARDIER, gaulliste convaincu parfaitement informé de sa mission comme on le verra ci-après) n'avait rien trouvé de mieux pour sauver une demi douzaine de manipulateurs radios du Nord de la France que de les arrêter pour des motifs pénaux (généralement pour trafic illicite) ce qui avait certes pour effet de les soustraire aux policiers allemands en les faisant relever de juridictions françaises, mais également de les regrouper dans l'aile réservée aux droits communs de la prison d'AMIENS, qui ne sera pas directement atteinte par les bombes de l'opération "Jéricho" alias "Renovate". Il était en effet facile à cet inspecteur de police principal (1) de monter ce genre de dossier et d'arrêter les intéressés. Mais ce qui est certain, c'est que le 18 février 1944, trois citroëns bardées d'ausweis viendront stationner à partir de midi à moins de cinq cent mètres de la prison d'Amiens pour réceptionner ces opérateurs radios indispensables pour mener à bien l'opération "Fortitude".
Faut-il rappeler que deux évènements stratégiques vont profondément modifier la guerre secrète dès la fin de l'année 1943? Le premier de ces évènements est la préparation en phase active du débarquement en Normandie (Overlord pour les Alliés et Neptune pour la phase préparatoire et l'assaut) avec son cortège d'opérations de tromperies de l'ennemi dont les opérations "Fortitude" et "Bodygard".
Le second évènement stratégique était l'imminence de la mise en œuvre des armes V (pour vengeance), à propos de laquelle les services désorganisés du MI6 du Nord de la France s'étaient révélés incapables d'apporter les moindres informations et recoupements fiables, ce qui a entraîné le déplacement à Marseille de Chobière. C'est cette guerre secrète contre les armes V, et en tout premier lieu contre les sites de lancement des V1, qui va profondément modifier l'organisation et la structure du Renseignement Militaire britannique dès le mois de décembre 1943.
Un troisième évènement, beaucoup moins connu parce qu'il va être mis en ligne, tardivement vers 2006, par le Pentagone, est la
directive n°51 du 3 novembre 1943, qui a été récupérée par les services d'écoutes Américains et décryptés par les services de décryptage. Pour prendre connaissance de la traduction de cette
directive n°51, cliquer sur ce lien. Les conséquences de cette capture vont considérablement influencer la poursuite de l'opération "Pointblank" par les flottes aériennes alliées et entraîner la révison du plan OVERLORD conçu par le COSSAC entrepris d'un commun accord entre Eisenhower et le maréchal Montgomery dès le début de l'année 1944.
L'embarras du renseignement allié
Il fallait avant tout vaincre les difficultés inhérentes à l'organisation des réseaux conçus pour résister aux investigations et aux tortures exercées par la police allemande et la collaboration comme l'a très bien décrit Marie-Madeleine Fourcade dans sa préface de l’Ouvrage "R5-Les SS en Limousin, Périgord et Quercy" De Georges Beau et Léopold Gaubusseau (presses de la cité) telles qu'elles sont extraites ci-après:
«De son côté, l'ennemi, qui avait successivement revêtu les apparences de commissions d'armistice, d'agents de la Gestapo camouflés, d'agents de l'Abwehr en uniforme, apparaissait maintenant en unités compactes vêtues de noir, assistées pour notre honte de « miliciens, ces soldats perdus du gouvernement de Pierre Laval».
«Comment le commandement allié parvint à démêler l'écheveau des courants de la Résistance, qui s'entrechoquaient et parfois se gênaient, mais dont les troupes étaient cependant animées par l'unique désir de repousser l' envahisseur et, lorsque le moment fut venu, de lui barrer la route du front de Normandie, car c'était leur ultime mission; comment et avec quelle âpreté l'ennemi se défendit des pièges qu'il trouvait sur son chemin, tel est le puzzle reconstitué par Beau et Gaubusseau, avec une constance de bénédictins.
«Tout clairvoyant et indépendant d'esprit que l'on soit, ce qui est incontestablement la marque des auteurs, il est difficile de cerner l'histoire qui entoure ces événements tragiques. Il faut suivre les écrivains dans le dédale de leurs recherches pour comprendre les motifs qui empêchent de découvrir la vérité et qui les ont amenés à bouleverser les hypothèses émises jusqu'à présent.
«Fidèles aux principes cartésiens, ils « n'acceptent pour vrai que ce qui est évidemment tel », d' où leur refus systématique de se livrer au jeu hasardeux des déductions fondées sur des suppositions, pour reconstituer l' enchaînement des faits.(*)
«Ils n'ont tenu compte, outre les rares documents officiels, que d'épisodes irrécusables, de récits soigneusement recoupés et de témoignages, que seules l'amitié ou la confiance leur ont permis d'obtenir, et que n'eût point recueillis une commission d'enquête...»
A quoi s'est ajouté, faut-il le rappeler, le fait que les britanniques et les américains, ont cherché par tous les moyens à dissimuler aux Français à quel point ils avaient du bombarder le réseau ferré et ses gares de triage pour empêcher les renforts allemands de parvenir sur le champ de bataille normand au moment même où se révélait la guerre froide avec l'URSS dès l'occupation de la Pologne par l'Armée rouge?
On constate donc que l'ensemble des plans alliés étaient conçus et développés uniquement en fonction des renseignements obtenus par les réseaux implantés dans les zones d'occupation et non en raison des seuls impératifs militaires stratégiques. C'est désormais l'un des points cruciaux des guerres modernes, qui mettent en oeuvre des armes aussi sophistiquées que puissantes, que de faire précéder les actions militaires par des missions de renseignement primordiales sur le terrain avant tout action militaire. Et le réseau qui leur a paru le plus secret et le plus efficace est celui mis en place par Gaston Bleuet au sein du service exploitation de la SNCF depuis la gare d'Amiens.
Il n'est pas inutile non plus de signaler que le chef du MI6, le général Sir Stewart Graham Menzies avait confié, entre autres, la réorganisation des réseaux anglais en Europe à un certain Philby, qui travaillait déjà secrètement pour les soviétiques… jusqu'au moment où Philby sera relayé par le special Force Headquarter (S.F.H.Q qui a mis en commun et coordonné les réseaux de l'OSS et du MI6 en France). C'est d'ailleurs probablement à cause de Philby que les réseaux communistes ont été souvent prioritairement approvisionnés en armes aux dépens des autres réseaux non communistes, avant que Philby ne voit ses activités se réduire à la zone de l'Espagne et du Portugal.
En novembre 1943, Sir RODERIC HILL découvre après sa nomination au "fighter command" la concentration des sites d'armes V communiquée par Octave depuis plus de six mois aux services secrets anglais
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Le site "V1, ARME DU DESESPOIR", de Yannick Delefosse donne des renseignements intéressants confirmant la carte ci-dessus. Sous la réserve historique que les armes V n'étaient pas des armes de désespoir mais bien des armes de vengeance et d'épouvante aux yeux de l'organisation SS, d'Hitler et de son entourage. Goebbels, ministre de la propa- gande d'Hitler, n'évoquait-il pas longuement les V1 comme "Vergeltungswaffe 1", c'est à dire comme "arme de repré- sailles n°1". Et il y avait trois types d'armes V. |
En réalité, la recherche et le suivi au sol des sites de lancement de V1, souvent fort bien dissimulés, requérait une structure de surveillance permanente supposant une solide infrastructure d'observateurs et une implantation dans les campagnes, ainsi qu'une organisation des liaisons extrêmement pointue dans une zone entièrement sous le contrôle militaire nazi où chaque déplacement devait être autorisé et comptabilisé. La situation se compliquait d'autant plus que, dès le mois de mars, les Allemands ont utilisé des travailleurs étrangers russes
ou polonais ne parlant pas le Français. Ils ont été également les premiers à inventer, après le débarquement, des stations mobiles de lancement des V1. Il fallait également une liaison sûre et rapide avec les alliés qui ne souffrait donc pas d'être dépendante outre des innombrables pannes de courant, du passage des messages dans des zones moins surveillées.
MONICA expédiera à elle seule le signalement de 127 sites de V1...
L'organisation qui se révèlera la plus efficace sur ce point est celle qui comprenait un grand nombre de travailleurs journaliers agricoles polonais autorisés à se déplacer par obligation professionnelle dans les zones sensibles. Il leur suffisait de signaler les zones (bois, forêts généralement à proximité des grandes voies de communication) qui étaient interdites d'accès, bien desservies par des moyens d'accès et des alimentations en eau et en électricité pour qu'elles soient immédiatement suspectes et fassent l'objet de reconnaissances aériennes approfondies, ce qui imposait un système de communication radio sûr et à pied œuvre. Mais cela ne suffisait pas. Selon l'intensité de la Flak qui défendait les sites de stockage et de lancement, les bombardements se révélaient peu ou prou efficaces, avec au demeurant des pertes sévères pour les bombardiers. Et là encore, les yeux des ouvriers agricoles se révélaient indispensables pour déterminer le degré d'efficacité des bombardements des sites, et s'il fallait les renouveler. L'Organisation "MONICA" répondait exactement à ces critères. Sur l'organisation de "MONICA", on pourra prendre connaissance avec intérêt du rapport du major CHALKLEY détaché des forces spéciales, pour organiser
l'opération "MONIKA" dont le déclenchement était prévu le 6 juin 1944, rapports tirés des "national archives" du Royaume Uni.
C'est le Maréchal de l'Air Sir RODERIC HILL, Air Chief Marshall, commandant la défense aérienne de la Grande Bretagne à partir du 15 novembre 1943, et commandant en chef du "fighter Command " de la RAF, qui va réaliser le danger que constituent les nouvelles armes V en prenant connaissance des rapports provenant de France, et notamment de ceux de MARCO POLO que le ministère de l'Air avait laissé en souffrance dans les tiroirs de l'Administration avant de les lui communiquer en bloc. Recoupés par des photographies aériennes et compilés les différents rapports émanant du réseau MARCO POLO, devenu Promontoire (à noter que les renseignements de ce réseau concernant les armes V émanaient du lieutenant Pecquet pour la Somme), d'Agir (Michel Hollard) et des Sosies ont fait apparaître une menace proche de celle récapitulée sur la carte du 155ème régiment W de la Flack saisi en Hollande, reproduite ci-contre.
Le bombardement par la RAF de la gare de triage de Longueau dans la nuit du 19 au 20 mai 1944
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Sir Roderic Hill s'est si bien démené pour la défense de la Grande Bretagne et de la zone de concentration des troupes de débarquement qu'il a obtenu le concours de la huitième Air Force qui a procédé dès le 5 décembre 1943 aux premiers bombardements de 21 sites de V1, en en détruisant 12 totalement et 9 partiellement. Cela démontre que le commandant du célèbre "fighter command" avait obtenu le soutien de l'Etat-Major des opérations combinées alliés et donc des décideurs politiques (Churchill et Roosevelt) et qu'il avait obtenu, dès le 17 novembre 1943, la création du domaine d'opération DIVER qui deviendra un peu plus tard OVERLORD DIVER tant le plan de défense de Londres et des zones de concentration des troupes alliées de débarquement était essentiel à la réussite d'OVERLORD ou de NEPTUNE.
Théoriquement, les alliés disposaient d'une arme secrète imparable en l'organisation d'ULTRA, l'organisation de décryptage mise en place dès juillet 1940 par Churchill avec les archives des services secrets français de décryptage (récupérées par un sous-marin) pour déchiffrer les messages radios transmis par le dispositif de chiffrage ENIGMA. C'est grâce à ULTRA et aux clés de décryptage de la Luftwaffe capturées par les services secrets français que la bataille d'Angleterre avait pu être gagnée.
Mais en l'occurrence, les services secrets alliés étaient totalement démunis quant aux clés de décryptage du 155ème régiment W de la Flack au sujet des armes V dont tous les postes de tirs et de commandement étaient reliés entre eux par fils téléphoniques et télétypes ultra rapides.
Il était d'autant plus clair que les alliés ne pouvaient pas se passer d'un réseau sur place pour mieux cerner les intentions et les modifications que l'ennemi apportaient à son ordre de bataille que la deuxième division blindée de la Wehrmacht, dont le poste de commandement était enterré à 35 mètres sous terre dans les grottes de Naours (au Nord d'Amiens) utilisait systématiquement le téléphone et les télétypes pour organiser ses liaisons avec ses unités. Pénétrer le dispositif allemand afin d'en percer l'organisation opérationnelle et le fonctionnement devenait essentiel pour la réussite d'Overlord et pour accréditer la tromperie de
Fortitude South.
Comment y parvenir rapidement en pleine réorganisation des réseaux anglais du Nord - Picardie de la France? C'était l'affaire du JPS (Joint Planning Staff : organisation de la planification militaire britannique en liaison avec la London Controlling Section dépendant directement de Churchill) et du Joint Intelligence Committee allié puisque la huitième flotte aérienne US payait au prix fort le bombardement de jour des sites d'armes V.
Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler qu'au début de 1944, la chasse de la Luftwaffe faisait encore jeu égal avec la chasse alliée. On estimait au PENTAGONE que, sur le front ouest, un équipage de bombardier de l'US Air Force faisait en moyenne et au plus 15 missions de bombardement. Au-delà, l'équipage avait toutes les chances d'être blessé ou abattu. Heureusement, dès le printemps 1944, l'apparition des radars embarqués, des calculateurs prédicteurs de tir et des obus équipés de fusées de proximité (grâce aux circuits imprimés), ainsi que la mise au point de chasseurs, équipés de réservoirs supplémentaires à long rayon d'action, vont donner aux alliés un avantage décisif en doublant quasiment les chances d'impact au but de l'aviation et de la DCA alliées contre les avions ennemis.
Le choix des alliés s'est porté sur Amiens pour des multiples raisons. Après vérification et recollement des diverses informations collectées (l'auteur de cette page a l'avantage sur les historiens les plus chevronnés d'avoir commencé à enquêter sur ce qui s'est passé dans le département de la Somme entre 1956 et 1961, année où il a été contraint par la force d'abandonner ses recherches).
fac simile de la fiche de bombardement des gares de triage d'Amiens-Longueau Cliquer deux fois sur l'image pour l'agrandir |
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Outre la concentration en moins de trois semaines de plus de 45.000 hommes dont plus de la moitié de SS expérimentés avec armes et bagages:
- Le siège du LXVIIème Corps d'armée de la XVème Armée allemande, le plus impliqué dans l'opération "Kanalkueste" et ses renforts massifs, était fixé à Amiens.
- Les sièges des PC de commandement et de coordination des sites de lancement des armes V se trouvaient respectivement à Amiens et à Doullens. En désorganisant les lignes téléphoniques qui les reliaient, les alliés pouvaient raisonnablement espérer désorganiser les tirs d'armes V sur l'Angleterre et sur les ports du Sud de l'Angleterre d'où partaient les troupes d'invasion. Il existe au demeurant une explication rationnelle et militaire sur l'existence de ces deux centres commandant le lancement des armes V.
- Les aérodromes de Glisy et de Poix étaient des centres importants pour la chasse, et notamment pour la chasse de nuit de la Luftwaffe.
- Outre, la deuxième division blindée de la Wehrmacht en cours de rééquipement et de réorganisation par amalgame des jeunes recrues allemandes des classes 27 et 28, la sixième division de chasseurs parachutistes, également en cours d'équipement et d'organisation par amalgame, avait été localisée à proximité d'Abbeville, les 344ème et 348ème divisions statiques de forteresse qui défendaient le mur de l'Atlantique respectivement au Nord et au Sud de l'embouchure de la Somme, avaient été évidemment détectées, et le réseau «zéro France» (Direction de la SNCF) avait signalé à la mi janvier 1944 une division de choc (ou d'assaut) composée d'unités composées généralement de SS expérimentées venant du front russe. Ce type d'unité comportait généralement un bataillon Werfer (chargé des lanceurs de roquettes et des armes spéciales comme les mines bondissantes), des unités lourdes d'artillerie et de Flack renforcées et des canons automoteurs d'assaut qui avaient une puissance de feu redoutable ainsi que des chars lance-flammes.
- Toutes ces unités, réunissant plus de 75.000 hommes jugés aptes au combat (non compris les unités de la Luftwaffe et de la Flak), ainsi que les installations du mur de l'Atlantique et les sites de lancement de V1 étaient approvisionnées et équipées par des convois ferrés T.C.O. empruntant les gares de triage de Longueau et Amiens et la ligne Paris-Calais. Et il est clair qu'il valait mieux pour les alliés que les unités allemandes d'assaut, qui attendaient un débarquement sur les plages picardes, restent dans le département de la Somme plutôt que d'avoir à les combattre en Normandie.
Les gares d'Amiens et de Longueau prioritaires en matière de bombardement
Il faut observer que le réseau « zéro-France » et, surtout l'agence de Longueau, passera dès le mois de janvier 1944 ses messages en radio-transmission, c'est à dire après l'équipement d'Elisabeth S... d'un poste émetteur à circuit imprimé et transistor, qui était pratiquement le seul à émettre régulièrement sur Amiens Nord...
Sans omettre d'ajouter que la deuxième division blindée de la Wehrmacht était en cours de rééquipement avec des chars du type Panther (baptisés par les Allemands "guêpes") qui s'effectuait à partir d'AMIENS, depuis le début de l'année 1944. Or, Ultra n'avait pas encore réussi à découvrir les clés de décryptage de cette grande division blindée qui risquait fort d'être l'une des divisions blindées expérimentées la plus proche du théâtre des opérations d'Overlord. A cet égard, le COSSAC était donc demandeur d'informations sur la façon dont était appliquée la directive n°53 du 3 novembre 1943 adressée par Hitler à Von Runstedt, alors commandant des Armées de l'Ouest.
Telles étaient également les raisons pour lesquelles les triages d'Amiens-Longueau ont été gratifiés par le SHAEF du classement
«A+», ce qui allait entraîner, outre des destructions collatérales assez conséquentes à Amiens et à Longueau, la destruction à 80 p.100 des installations de ces triages par des séquences de bombardements lourds, qui sont pour l'essentiel, répertoriées dans le
fac simile de la fiche de bombardement ci-dessus. Ces bombardements qui crédibilisaient l'opération Fortitude Sud faisaient partie
d'un double plan de paralysie des transports ferrés à la disposition de la Wehrmacht, de façon à interdire l'accès des divisions blindées allemandes à la Normandie.
La délicate élaboration du plan de bombardement du réseau ferré
Le premier de ces plans avait été conçu par l'Air Marshall Leigh-Mallory, qui, chargé de l'E.A.E.F., proposait de détruire les moyens de transports ferrés à la disposition des allemands dans un rayon de 200 kilomètres d'une ligne Cherbourg-Caen, et qui préconisait également la destruction de 39 cibles en Allemagne.
Le second plan a été suggéré par Allen Dulles, qui, depuis l'Agence OSS de Berne qu'il dirigeait, avait pris le contrôle d'un spécialiste du réseau ferré italien, le professeur S. Zuckerman, chargé au demeurant de conseiller l'E.A.E.F., qui avait vécu l'expérience des bombardements du réseau ferré italien par la XVème Armée aérienne US et qui préconisait la destruction systématique (et entretenue dans le temps) des locomotives, des équipements de transport (c'est à dire du parc de wagons), des dépôts d'entretien et des voies de triage en particulier... Cette préconisation, qui avait été retenue par l'Air Marshall Leigh-Mallory et avait quasiment reçu l'aval des état-majors combinés, a suscité une levée de boucliers des unités de bombardement au motif que, non seulement une part massive des populations civiles vivant autour des centres de transport névralgiques allaient être massacrées, mais qu'en outre, ces attaques allaient être lancées au détriment des autres objectifs assignés aux unités aériennes alliées, et dont notamment ceux visant à détruire la Luftwaffe et les unités fabrication du «carburant», qui leur avait été assignées par les états-majors combinés et le COSSAC.
Ces réactions ont conduit Dwight D. Eisenhower, l'Air Marshall Tredder et l'Air Marshall Portal à s'emparer du problème quelques jours après la publication officielle, le 12 février 1944, du plan de bombardement élaboré par Leigh-Mallory pour le double motif qu'il était inconcevable que le Commandement suprême allié n'ait pas la maîtrise des opérations aériennes stratégiques et tactiques sur le champ de bataille et que l'aviation ne soit pas tenue de soutenir en temps réel les troupes débarquées. La tension fut si grande notamment avec Winston Churchill que, dans «Cross-Channel Attack», qui constitue le document officiel rapportant les opérations de débarquement de l'armée américaine, le général Gordon A. Harrison qui a écrit cet ouvrage, rapporte que Dwight D. Eisenhower a mis sa démission dans la balance pour faire fléchir l'opposition du «vieux Lion» et obtenir le 17 mars 1944, l'agrément du chef d'état-major britannique.
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le plan de bombardement du réseau ferré français révisé par Dwight D. Eisenhower Cliquer deux fois sur l'image pour l'agrandir |
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information tirée de de "CROSS-CHANNEL ATTACK", par Gordon A. Harrison
cliquer sur la carte pour l'agrandir! |
Or, il se trouve que, dans la discussion qui a suivi, les renseignements donnés par le réseau France Zéro-ZW (qui n'est pas nommément désigné dans «Cross-Channel Attack», puisque le silence absolu a été décidé par les alliés sur ce réseau et ses tenants et aboutissants à la fin de 1944) se sont révélés décisifs et que, le 18 avril 1944, les cibles du réseau ferré à la disposition des Allemands étaient déterminées à l'exception de deux objectifs dans la zone de Paris
qui seront abandonnés.
Comme le général Eisenhower avait pris la direction des armées de l'Air stratégiques dès le 14 avril 1944, il imposa le 17 avril sa directive sur les bombardements des réseaux de transports. Si la mission globale de destruction du système économique militaire allemand demeurait sans changement, «la mission particulière des Armées aériennes stratégiques était d'abord d'épuiser l'armée de l'Air allemande et de détruire les équipements à sa disposition, et en second lieu , «de détruire et perturber les communications par rail de l'ennemi, en particulier ceux affectant les mouvements de l'ennemi vers le secteur d'installation d'OVERLORD.»
A la suite de la publication intégrale des résultats des missions de bombardement précédant le débarquement en Normandie par l'Air Force et le Bomber Command à l'occasion du soixantième anniversaire du débarquement, l'auteur de ce site a procédé à une compilation des missions de bombardement alliées. Il résulte du
document de synthèse élaboré dont on peut prendre connaissance que ce sont bien les directives d'Eisenhower qui ont été appliquées à la lettre et que Paris
intra-muros n'a jamais été bombardé, comme le prévoyait le dossier Sherrington. Toutefois, il faut rappeler que les obus antiaériens de 88mm, dont les fusées de proximité étaient fréquemment défaillantes et sabotées, notamment quand ils étaient montés par des travailleurs forcés polonais, ont pu d'autant plus retomber sur Paris que les trajectoires des vagues de bombardiers tangentaient les limites de la capitale alors que l'artillerie allemande devait prendre des positions orthogonales à ces trajectoires. Des obus antiaériens n'ayant pas explosé par non fonctionnement des fusées de proximité sont donc nécessairement retombés sur Paris intra-muros.
Pour résumer, les cibles dans l'Est de la France et une partie de la Belgique étaient assignées à la VIIIème US Air Force, Le Bomber Command (RAF) devait s'occuper de l'Ouest de la France et de la région parisienne tandis que l'AEAF, uniquement nantie de bombardiers légers, concentrait ses bombardements sur le Nord de la France et sur les zones urbaines belges et que la XVème US Air Force se voyaient assigner des cibles dans le sud de la France.
récapitulation mensuelle des alertes pour bombardement dans la zone d'Amiens-Longueau Cliquer deux fois sur l'image pour l'agrandir |
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informations tirées des archives départementales de la Somme |
La carte des cibles dressées s'interprète comme une double ligne d'isolement du champ de bataille normand: une première ligne de bombardement, qui fermait et isolait l'espace délimité par la Seine et le cours inférieure de la Loire, tandis qu'une deuxième ligne coupait toutes les voies ferrées et les ponts sur une ligne allant d'Etaples (Pas-de-Calais) à Fismes et Clamecy, pour rejoindre le cours supérieur de la Loire qu'elle longeait ainsi jusqu'au delà de Tours. C'est ainsi que tous les rapports émanant de France Zéro ZW, qui validaient l'état de destruction par bombardement du réseau ferré français et qui étaient transmis par Elizabeth S... finissaient par aboutir sur le bureau de Dwight D. Eisenhower et de son délégué l'Air Marshall Tredder, qui veillait scrupuleusement à l'application du plan
Railway... Par là même, le commandement suprême avait obligatoirement été avisé de l'incident du 2 avril 1944. conformément au protocole de gestion des communications interrompues.
Précisons que ce plan concernait le bombardement de 94 points sensibles des réseaux ferrés en particulier belges et français qui avaient été répartis comme suit, après retrait en raison notamment d'une forte manifestation des équipages des bombardiers de l'Air Force de deux objectifs clés: les gares de l'Est et du Nord de Paris (3)
- A.E.A.F.: 18;
- R.A.F. bomber command: 39;
- 8ème US Air Force: 23;
- 15ème US Air Force: 14.
Ils se poursuivront bien après le 6 juin 1944 jusqu'à la victoire alliée de Falaise. De ce fait, Amiens et sa région vont subir une campagne de bombardement considérable qui est récapitulée mensuellement dans le tableau ci-dessus. Ils concerneront également la zone de concentration de troupes allemandes d'Abbeville.
Enfin, ce qui ne gâtait rien, Amiens et son quartier Saint-Pierre étaient un haut lieu de Résistance et d'implantation des réseaux Anglais et un lieu de passage essentiel des aviateurs alliés abattus, grâce à l'organisation mise en place à partir du Pavillon Bleu… avec le concours des hortillonneurs et... de l'OSS. Pour marquer le coup, les services Anglais vont même répandre des tracts le dimanche 2 janvier 1944 à la sortie de la grande messe sur le quartier Saint-Pierre et surtout autour de l'Eglise rappelant aux Allemands les pertes qu'ils ont essuyées depuis la chute de Stalingrad et leur conseillant de restaurer la démocratie!....
Qui charger de pénétrer le dispositif allemand, juste après que le Maréchal Erwin Rommel ait entrepris de visiter les fortifications du "Mur de l'Atlantique" sur le littoral picard? Il fallait un homme ayant la confiance des Nazis tout en restant sous le conrôle du MI6, parlant couramment allemand, disposant d'une liaison radio sûre? Seul,le Docteur Robert FECAN résidant au coeur du quartier Saint-Pierre à Amiens répondait à ces critères. Comme médecin parlant couramment allemand, il était assez fréquemment sollicité ou requis par ces derniers pour dispenser des soins aussi bien à la prison d'Amiens qu'à la citadelle. Il assurait le contrôle sanitaire des "belles" du Pavillon Bleu et était également le médecin de bon nombre d'hortillonneurs amiénois. C'est ainsi que la L.C.S., après avoir fait parvenir un poste radio à circuit imprimé au début du mois de janvier 1944 à Elizabeth S…
par l'intermédiaire de Dominique PONCHARDIER (*), a monté, avec l'accord de Dwight Eishenhower, commandant suprême des alliés en poste depuis la mi janvier 1944, une des opérations les plus osées et restée la plus secrète de la Deuxième Guerre mondiale qui est dévoilée par la présente page.
C'est dans ce but que la L.C.S. a lancé une opération qui a consisté, juste avant le bombardement de la prison d'Amiens, à parachuter de nuit, en bordure d'un étang aux environs d'Abbeville, proche de la voie ferrée AMIENS-ABBEVILLE,
(c'est à dire très vraisemblablement dans les étangs de Mareuil-Caubert) deux cadavres d'hommes fraîchement morts en immersion habillés et équipés en commando, armés de révolvers et de grenades dont l'un était porteur d'un message à ouvrir et à détruire après réception au sol. Ce message manuscrit était très simple: "to kill Dr Fécan in Amiens" (
"Tuer le Dr FECAN, à Amiens"). (Origine de l'information: Max Lejeune, député maire SFIO d'Abbeville, lui même ex-membre de Libération Nord, et lui-même en contact avec les généraux Cogny et Ailleret, tous les deux dirigeants de l'ORA (organisation de Résistance de l'Armée).
Disons tout de suite que cette opération a atteint immédiatement l'effet recherché: les deux frères jumeaux Robert et André FECAN, tous les deux médecins à AMIENS, et dont les services secrets Anglais n'ignoraient certes pas l'existence, ont été présentés aux autorités policières et militaires allemandes et ont bénéficié des aussweiss et même des armes jugées indispensables à leur auto-défense. Grâce à cette habile manœuvre, soigneusement préparée, le Dr Robert Fécan avait été transformé en agent "double Cross" des alliés.
Le bombardement de la prison d'Amiens n'a pas eu seulement pour effet de tromper les Allemands sur les intentions de débarquement des alliés mais également de distraire leur attention sur le comportement du Dr Robert FECAN, lequel était en réalité en liaison quasi permanente avec la
London Controlling Section par l'intermédiaire d'Elizabeth S... Et également de mettre fin aux tortures des deux officiers de L'Intelligence Service dépêchés à Amiens qui "ont vu se refermer sur eux les portes de la prison d'Amiens" le 12 février 1942 ("L'opération Jéricho", par Rémy, p. 176 dernier alinéa de l'édition France Empire).
Un officier, répondant au sobriquet de "Lou", avait été hébergé au 105, chaussée St-Pierre à AMIENS à tout le moins à l'époque des bombardements de mars 1944. il aimait me faire sauter sur ses genoux quand il sortait de sa cachette après le couvre-feu... C'est la raison pour laquelle je me souviens de lui. Et il s'agissait en réalité du major CHALKLEY'(Voir encadré)
Le coût de la Liberté
On peut se poser légitimement la question de savoir combien de victimes le plan « Railway» proposé par Allen DULLES et décidé par le général Eisenhower a fait de victimes. De ce point de vue, les planificateurs américains avaient établi des prévisions statistiques estimant le chiffre des victimes (mort et blessés confondus) à un million et demi pour la période allant de février au 6 juin 1944. Dans la réalité, on sait que ces prévisions ont été largement dépassées pour plusieurs raisons :
- Le plan « Railways » a été maintenu bien au-delà de la période initialement prévue et même renforcé pendant la période de la bataille de Normandie afin de rendre périlleux l'arrivée des réserves et des renforts allemands.
- Il s'y est ajouté notamment dans le secteur au nord de la somme le plan «Crossbow» de destruction des sites de lancement des armes V, de leur stockage et de leur transport. Les Allemands avaient très vite compris qu'ils avaient intérêt à regrouper les sites de stockage d'armes V fortement défendus par la Flack au sein des zones peuplées, ce qui ne facilitait pas vraiment l'approche des bombardiers alliés vers leurs objectifs.
- Il a intégré le blocage des gares de l'Est et du Nord de PARIS, jusqu'à la libération de la Capitale, et c'est lors des évènements de mai 1968 que j'ai appris et pi vérifier que les résistants de Paris avaient oeuvré à la libération de Paris en liaison avec l'état-major d'Eisenhower, via Elizabeth et le réseau de Gaston Bleuet..., notamment quand ils ont bloqué les gares du Nord et de l'Est de Paris (3)
On relèvera que l'ensemble des zones bombardées se trouvaient rassemblées dans la zone la plus peuplée de France que les démographes ont appelé après la libération le «croissant fertile» et qu'en outre, afin de déjouer les stratèges allemands, une partie du plan "Railways" avait été étendue au nord du département de la Somme. En somme, ce sont
a minima quelque 2 millions et de demi de victimes soit quelque 10% de la population du croissant fertile qui ont été les victimes du plan "Railways" d'Eisenhower.
Une situation qui a été exploitée par les Allemands et les "maréchalistes" de VICHY pour manipuler la population française lors d'une tournée, dans plusieurs villes bombardées, du maréchal Pétain, tournée encouragée par BERLIN, qui a commencé le 27 avril 1944 à PARIS, et qui s'est prolongée dans de nombreuses autres villes visées par le plan "Railways". La manipulation des Français, au tempérament latin, et donc particulièrement sensibles à l'émotion engendrée par des évènements désastreux , est une des caractéristiques essentielles de la vie politique Française qui, instituée sous l'occupation, perdure, hélas, depuis cette triste époque. On a ainsi tenté d'accréditer l'idée que Paris avait été bombardée alors que cela est faux. Or, on retrouve cette idée accréditée par des historiens "maréchalistes" dans différents sites de la toile, à commencer par le site de l'INA...
Ainsi, un grand nombre de Français vouaient aux gémonies les alliés en même temps qu' ils acclamaient le maréchal à moins de six semaines du débarquement en Normandie et alors que quatre mois plus tard ils acclamaient les alliés sans comprendre que le succès même du débarquement et de la bataille de Normandie, clé de leur délivrance,
impliquaient (2) la neutralisation par bombardement du réseau ferré à la disposition des armées allemandes dont ils ont été les victimes dans les zones urbaines sensibles.
Heureusement, que le plan
Railways, qui intégrait au demeurant le plan vert, est pratiquement parvenu au résultat attendu : retarder au maximum les renforts et approvisionnements allemands dans la bataille de Normandie, retarder et détruire le maximum d'armes V lancées sur l'Angleterre que, par désir de pure vengeance, Hitler a fait diriger sur le grand LONDRES au lieu de les diriger sur les zones de concentration des troupes alliés.
Au total les plans alliés de bombardement ont certainement coûté pas moins de 2,5 millions de victimes français et belges. Le prix à payer pour la libération de la France. Et quand on y réfléchit de façon poussée, le coût de la libération de l'Europe.
On peut légitimement se demander pourquoi Pétain est entré à ce point dans le jeu d'Adolphe Hitler. En réalité, il avait déjà fait pire. et s'était indissolublement lié au régime nazi. Dès le début de 1942, il avait accordé à l'Abwehr par la négociation le droit de détecter les émissions des radios de la résistance en zone non occupée. En tant que militaire, pouvait-il vraiment ignorer depuis le début de l'année 1942 et en particulier ce 27 avril 1942 que de telles opérations de détection et d'écoute qu'il avait autorisées étaient destinées à prendre le contrôle de la zone occupée en transformant le principal de l'accord d'armistice en simple "chiffon de papier"?
Dès la fin de l'année 1940, Hitler avait donné l'ordre à ses troupes de se tenir prêtes à occuper la zone française non occupée
(dir n°19 du 10 décembre 1940, opération "ATTILA") directive qui a été rectifiée et complétée par une seconde datée du 29 mai 1942, toutes deux appliquées dès le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord.
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(1) L'auteur de ce site a pu assez facilement déterminer, le 1er octobre 1956, que le responsable du réseau
ALIBI, à tout le moins, toujours sous le contrôle du MI5, était le Commissaire de Police principal d'Amiens, ès-qualité, à partir des images qu'il avait conservées du 3 janvier 1944 et des descriptions qu'en avaient donné Rémy, d'une part, et Dominique Ponchardier, d'autre part. Voici à ce propos, quelques passages significatifs extraits du livre de ce dernier
"Les Pavés de l'Enfer".
(Cliquez sur le lien pour en prendre connaissance). Rappelons que Dominique Ponchardier fut après la guerre, entre autres, l'homme responsable du service d'ordre du Général de Gaulle et du RPF. Il n'a pas pu cacher au général de Gaulle bien longtemps la réalité des faits s'étant déroulés à Amiens au domicile du Dr Robert FECAN après avoir reçu, à Colombey-les-deux-Eglises, la lettre datée du 19 mai 1956 que l'auteur de ce site lui avait postée.
(2)L'ensemble du site a été conçu avec, comme outil, la logique de l'implication. Un outil devenu indispensable dans tous les domaines des activités humaines, que l'auteur utilise très fréquemment depuis l'âge de 16 ans et dont il déplore qu'il ne soit pas vraiment enseigné en France tant dans la vie publique que les activités économiques et sociales.
(3) On va retrouver ces deux objectifs bloqués par les ftp et le réseau de Gaston Bleuet juste avant la Libération de Paris, ce qui signifie que Rol-Tamguy et les ftp avaient le feu vert de l'état-major d'Eisenhower pour bloquer l'accès ferré à ces gares (via "Elizabeth" et l'indicatif France-zéro ZW) alors qu'il ne restait plus une semaine d'approvisonnement des quelque 25.000 hommes de la Wehrmacht occupant le GroßParis dont les officiers supérieurs en rébellion lors de l'attentat contre Hitler contre Hitler avaient été liquidés.
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